information

  • Titre:La Boîte à pêche
  • Auteur:Maurice Genevoix
  • Année:1926

Il avait quarante ans, ou soixante.

Sa face ne décelait point d'âge, si meurtrie, si mutilée qu'elle n'était plus une face humaine, mais un masque péniblement inerte où les yeux semblaient luire comme à travers deux trous. Sur son front, sur ses joues, des cicatrices de variole demeuraient blanches parmi de rousses tavelures d'éphélides*. Il portait d'autres cicatrices, brouillées, mêlées, bourgeonneuses. l'une d'elles, ayant rongé une aile de son nez, faisait là un trou laid à voir : c'était peut-être la trace d'une vilaine maladie, peut-être celle d'un coup de couteau. Mais l'homme était si doux dans ses manières, si poli avec tout le monde qu'on ne pouvait croire au souvenir d'une batterie**.

II était chaussé d'espadrilles et vêtu de hardes très propres. On le sentait de corps souple et solide, tout en nerfs Il n'y avait qu'à le voir marcher, couler sans bruit ses pas dans l'herbe, onduler de l'échine comme un chat en maraude, pour deviner en lui une grande force agile et secrète.

On ne s'expliquait guère pourquoi, dans les hameaux de la campagne il ne passait point pour sorcier. Il avait paru étrangement, on ne savait plus quand, venu on n'avait su d'où. On ne lui connaissait point de logis. II dormait dans les granges, dans les étables, au pied des meules, dans les fossés des routes, nulle part. [...] Il pratiquait un innocent métier, il n'était que l'homme aux grenouilles.

*Petites taches disséminées sur le visage (taches de rousseur) **lutte, dispute.

Voulez-vous plus de renseignements ?

Visite de l'atelier sur rendez-vous